Le Groupe de Travail de l’ONU saisie d'un appel urgent concernant la Situation de L’ancien président SAMBI


28 mars 2021

LE GROUPE DE TRAVAIL DE L’ONU SAISI D’UN APPEL URGENT CONCERNANT LA SITUATION DE L’ANCIEN CHEF D’ÉTAT M. AHMED SAMBI

25 MAR 2021

Le 24 mars 2021, Alkarama a adressé un appel urgent au Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire (GTDA) afin d’obtenir la libération de M. Ahmed Abdallah Mohammed Sambi (63 ans), ancien chef d’État des Comores (2006-2011) maintenu arbitrairement en détention.

M. Sambi avait été arrêté le 19 mai 2018 au lendemain de la prière du vendredi à laquelle il avait participé à la mosquée de Moroni et placé en résidence surveillée sur une décision du ministère de l’Intérieur au prétexte de « troubles à l’ordre public ».

Ce n’est que trois mois plus tard, le 20 août 2018, que M.Sambi a été déféré pour la première fois devant un juge d’instruction qui a ordonné son placement en détention provisoire sous une nouvelle accusation de détournement de fonds.

Depuis lors, il est détenu à son domicile, à Voidjou, devenu une annexe de fait de la prison de Moroni, dans l’attente d’un éventuel procès.

Un premier avis du groupe de travail suite à un appel d’Alkarama

Le 29 mai 2018, Alkarama avait soumis son cas au Groupe de travail lequel a rendu un avis en date du 19 novembre 2018 qualifiant l’assignation à domicile de l’ancien président de détention arbitraire et exhortant le Gouvernement à mettre un terme aux flagrantes violations de ses droits fondamentaux.

Cependant, l’avis du Groupe de travail n’a jamais été mis en œuvre. Au contraire, la situation de M. Sambi, qui est aujourd’hui coupé de tout contact avec le monde extérieur, s’est nettement dégradée.

Appel urgent aux procédures spéciales des Nations Unies

Le 24 mars 2021, une communication urgente a été adressée par Alkarama aux procédures spéciales des Nations Unies appelant à la libération immédiate de l’ancien chef d’État détenu en violation du code de procédure pénal comorien ainsi que des normes internationales relatives aux droits de l’homme.

En effet, et en vertu de l’article 145 alinéa 2 du Code de procédure pénal comorien, le délai d’une détention provisoire ne peut excéder quatre mois renouvelables maximum une fois. Selon la législation nationale, le délai légal de la détention de M. Sambi est ainsi arrivé à échéance le 19 avril 2019. Cependant, l’ensemble des demandes de remise en liberté formulées par ses avocats ont fait l’objet de rejets systématiques de la part du juge d’instruction sans motif légal.

Le maintien de la détention de l’ancien chef d’état constitue également une violation de l’article 9 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme (DUDH) qui dispose que « Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé. ». Or, M. Sambi est privé de liberté en dépit de l’expiration du délai légal prévu par la loi comorienne et en l’absence de toute décision judiciaire.

En détention « provisoire » depuis plus de deux ans, M. Sambi n’a toujours pas fait l’objet d’un jugement, en violation de l’article 10 de la DUDH qui prévoit que « Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. ». La détention « provisoire » de M.Sambi s’inscrit dans la durée et s’apparente, de plus en plus, à une condamnation à perpétuité.

L’ancien chef d’État a été placé en détention sans enquête préalable sur la simple base d’un rapport relatif au Programme de citoyenneté économique, rédigé par Dhoihir Dhoulkamal, ministre comorien des Affaires étrangères.

Les circonstances de la détention de M. Sambi ainsi que les déclarations officielles du ministre de la Justice comorien, Mohammed Oussein Djamalillah, à l’occasion d’une interview réalisée par le quotidien national, Al Fajr, démontrent que la détention de l’ancien chef d’État revêt un caractère exclusivement politique. Selon cette déclaration, « le mandat de dépôt de l’ancien président est illimité » insinuant que son sort ne dépend pas du juge mais du Gouvernement comorien.

Ainsi, en s’arrogeant le droit de maintenir M.Sambi en détention illimitée, l’exécutif s’immisce dans une procédure judiciaire et viole l’article 10 de la DUDH qui consacre à chaque individu l’accès à un procès équitable.

L’ancien chef d’État ne dispose d’aucun moyen de communication avec le monde extérieur. Son droit de visite est subordonné de fait à l’autorisation préalable des autorités.

En refusant à l’ancien président de communiquer avec ses proches le Gouvernement des Comores bafoue l’ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. En effet, toute personne placée en détention doit pouvoir bénéficier de visites et disposer de moyens de communications adéquats.

Alkarama a fait savoir que la situation de M.Sambi est d’autant plus préoccupante compte tenu du refus des autorités comoriennes d’accorder à M. Nils Melzer, rapporteur spécial de l’Organisation des Nations Unies sur la torture, l’autorisation de lui rendre visite.

En effet, du 12 juin au 18 juin 2019, l’expert onusien a effectué une visite officielle aux Comores en vue d’« évaluer l'évolution de la situation et déterminer les problèmes concernant l'interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants ». Au cours de cette visite, l’expert prévoyait de rendre visite à M. Sambi sur son lieu de détention. Toutefois, il s’est vu refusé l’accès sous prétexte qu’aucune demande préalable d’autorisation n’avait été formulée.

Enfin, Alkarama a également souligné que la détention de M. Sambi constitue une violation de son droit à la santé, tel que consacré à l’article 25 de la DUDH, qui garantit l’accès à des soins médicaux.

Depuis son placement en détention l’état de santé de l’ancien président ne cesse de se détériorer. Ses certificats médicaux font état de sérieux problèmes pulmonaires et d’autres pathologies nécessitant l’accès à des soins spécialisés. Or, malgré les demandes formulées par sa famille, M. Sambi ne bénéficie toujours pas de soins adéquats.

C’est en ces circonstances qu’Alkarama a saisi plusieurs procédures spéciales des Nations Unies d’une communication urgente en attirant leur attention sur la gravité de la situation de M. Sambi et en les appelant à enjoindre aux autorités comoriennes de prendre sans délai les mesures nécessaires pour remédier à cette situation et la mettre en conformité avec les normes et principes énoncés dans la DUDH en mettant un terme à sa privation de liberté sans délai.

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